PRÉAMBULE
Exercer son activité professionnelle en partie ou en totalité en télétravail, peut avoir des implications sur son imposition et sur sa sécurité sociale.
À partir du 1er janvier 2023, les accords bilatéraux entre le Luxembourg, la France et la Belgique, le nombre de jours tolérés en télétravail est de 34 jours par an. En Allemagne, cela restait encore à 19 jours. Depuis le 01/01/2024, il passe à 34 jours.
Ce nombre de jours est calculé sur une année complète, et à temps complet, soit 40 heures par semaine, du 1er janvier au 31 décembre. De ce fait, s’il s’agit d’un contrat à temps partiel, ou si l’année de travail n’est pas complète, il faut proratiser ce seuil de 34 jours ou de 19 jours, selon le pays de résidence.
Depuis l’accord-cadre signé le 5 juin 2023 et applicable au 01 juillet 2023, tout travailleur non-résident, salarié au Luxembourg, peut désormais exercer ses activités de salarié (entre autres le télétravail) dans son pays de résidence tout en restant soumis à la législation sociale.
Attention : Pour connaître les modalités sociales concernant l’accord-cadre sur le télétravail, il faut consulter le lien du CCSS : Ici
Avant ce 1er juillet, la limite à ne pas dépasser était de 25 % (excepté accord modifié de la période transitoire : voir lien ci-dessous) mais attention : dans de nombreux cas cela pourrait s’avérer très coûteux comme nous allons le voir dans les exemples suivants.
Lien pour la période transitoire prolongée en matière d’affiliation à la sécurité sociale pour les travailleurs frontaliers : Ici
COMMENT EST CALCULÉ L’IMPÔT AU LUXEMBOURG DANS LE CADRE DU TÉLÉTRAVAIL ?
Les frontaliers peuvent télétravailler et être imposés au Luxembourg s’ils ne dépassent pas les seuils de tolérance. Ils seront donc imposés au Luxembourg à 100%. Cependant, il est important de noter qu’en cas de dépassement de ces seuils, tous les jours exécutés en télétravail ou en prestations hors du Grand-Duché, et ce, dès le premier jour, seront exonérés d’impôt au Luxembourg et imposés dans le pays de résidence. Le reste des jours travaillés au Luxembourg sera imposé au Luxembourg. Il est important de rappeler que le cumul des revenus imposables et exonérés représente le revenu mondial dans chacun des pays.
TÉLÉTRAVAIL ET SÉCURITÉ SOCIALE : LA RÈGLE DES 25%
Comme on l’a vu en préambule, cette règle des 25 % est passée à un seuil de moins de 50 % avec effet au 1er juillet 2023. Nous allons donc aborder ce sujet de prestations hors Luxembourg avec ce nouveau seuil de moins de 50 % à ne pas dépasser, soit la règle applicable pour 2024, et ce depuis le1er juillet 2023. Le salarié doit exercer son activité professionnelle en dehors du Luxembourg pour moins de 50 % de son temps de travail, s’il souhaite rester soumis à la législation sociale au Luxembourg.
S’il atteint ce seuil de 50%, il ne sera plus affilié à la sécurité sociale luxembourgeoise, et il ne percevra plus ni les allocations familiales du Luxembourg, ni les prestations sociales. De plus, il ne cotisera plus pour sa retraite au Luxembourg. Ainsi, il sera affilié à la sécurité sociale de son pays de résidence. De plus, toutes les prestations sociales versées par le Luxembourg pendant l’année concernée, et donc indues, devront être remboursées (prestations CNS, prestations familiales, bourses d’études, congé parental etc.). Enfin, les cotisations sociales seront plus élevées dans les pays voisins qu’au Luxembourg.
Avertissement : L’employeur doit avoir fait les démarches auprès des caisses de sécurité sociale compétentes pour l’obtention d’une attestation A1 conforme.
Nous vous conseillons de consulter le site du CLEISS (www.cleiss.fr) pour plus d’informations.
EXEMPLES D’IMPACT FISCAL DU TÉLÉTRAVAIL, AU LUXEMBOURG ET DANS LE PAYS DE RÉSIDENCE
Dans le cadre du télétravail, avec un dépassement des seuils autorisés, quel sera l’impact fiscal pour le contribuable, c’est- à-dire, quelle sera la diminution d’impôt au Luxembourg et quelle sera l’augmentation d’impôt dans le pays de résidence ?
Les montants d’impôts indiqués ci-dessous, dans les différents exemples, ne représentent pas le montant global d’impôts mais uniquement l’impact sur les revenus exonérés au Luxembourg et imposables en France ou en Belgique.
Les montants d’impôts indiqués, en France ou en Belgique, sont mentionnés à titre indicatif, mais sont très proches de la réalité, même si certains paramètres (révision des taux, des barèmes du pays de résidence en 2024) peuvent modifier légèrement ces calculs.
1er Exemple : basé sur 50 jours de télétravail pour un temps plein.
Pour les résidents belges, nous faisons deux simulations :
Calcul 1 : achat immobilier effectué après le 01/01/2016 (bénéficiaire du crédit d’impôt sous forme du chèque habitat, avec ou sans revenus de Belgique).
Calcul 2 : achat immobilier effectué avant le 01/01/2016 (l’emprunt peut donner un gain fiscal s’il y a des revenus imposables en Belgique).
EXEMPLE 1 : COUPLE MARIÉ, 2 ENFANTS, LES 2 SALARIÉS TRAVAILLENT AU LUXEMBOURG.
* Calcul d’impôts établi sur base du simulateur officiel de l’administration sur « impots.gouv.fr » et des règles de calculs de 2023.
Pour les résidents français, on constate une diminution globale de l’impôt du ménage, donc le télétravail est avantageux.
Pour les résidents belges, on constate, une augmentation d’impôt de 2 865 € (6 125 – 3 260) dans le calcul 1 et de 1 885 € (5 145 – 3 260), dans le calcul 2).
Si le contribuable 1 fait 80 jours de prestations hors Luxembourg, la diminution d’impôts sera de 5 233 € au Grand-Duché contre un impôt de 3 641 € en France, ce qui reste très attractif. En Belgique, ce sera 10 370 € dans le cas 1 et 9 390 € dans le cas 2. Donc pour ce résident belge, ce sera toujours très onéreux.
Ici, vu que le conjoint 2 travaille à 100 % au Luxembourg, soit + de 90 %, il remplit le critère d’assimilation (sans jours hors du Luxembourg), cela suffit pour que les 2 contribuables respectent une des conditions d’assimilation au Luxembourg. Ils seront de ce fait imposables collectivement au Grand-Duché.
EXEMPLE 2 : COUPLE MARIÉ, 2 ENFANTS, 1 SALARIÉS AU LUXEMBOURG, 1 CONTRIBUABLE AVEC REVENUS HORS LUXEMBOURG.
Avec 50 jours de Télétravail. Pour les résidents français, on constate une diminution globale d’impôts de 370 €, ce qui reste attractif. Pour le résident belge, le coût d’impôt supplémentaire est très important, donc pas d’intérêt à dépasser la limite des 34 jours.
Reprenons cette fois ces mêmes données (revenus et déductions) mais ici avec 80 jours de prestations hors Luxembourg. Que ce soit pour le résident belge, ou français, aucun des deux ne sera à même de prétendre à être assimilé au Luxembourg.
En effet le résident français, ou allemand n’est plus assimilable car il a moins de 90 % de ses propres revenus qui proviennent du Luxembourg (et ce sans tenir compte pour cette règle de 90 % des 50 premiers jours de prestations hors Luxembourg).
Le résident belge, ne pourra pas non plus invoquer le critère selon lequel il faut avoir plus de 50 % des revenus mondiaux du ménage provenant du Luxembourg pour être assimilé.
Dans ce cas le contribuable sera imposable suivant le droit commun c’est-à-dire suivant le barème d’impôts de la classe 1, sans pouvoir établir de déclaration fiscale annuelle donc sans pouvoir déduire quoi que ce soit.
Le montant de son impôt augmentera de 1 718 € au Luxembourg.
En outre, comme il devra payer 3 516 € d’impôts en France, il aura une perte de revenus de 5 234 €.
Pour le résident belge la douche sera encore plus froide car il aura un supplément d’impôts de 10 234 € à payer en Belgique dans le cas 2 et de 11 197 € dans le cas 1, soit une perte globale de revenus nets de 12 915 €.
Prenons par contre, les mêmes données mais avec 70 jours de télétravail.
Pour le résident français ou allemand, ce sera identique : toujours pas d’assimilation possible donc imposition suivant le droit commun en classe 1 au Luxembourg avec un impôt supplémentaire de 2 251 € + le supplément d’impôts de 3 110 € à payer en France, soit une perte globale de 5 361 €.
À l’inverse cette fois avec 70 jours, vu que plus de 50 % des revenus du ménage proviennent du Luxembourg, le résident belge sera toujours assimilable.
Ces 70 jours de télétravail lui donnent une diminution d’impôts 3 747 € au Luxembourg, avec toujours un impôt supplémentaire de 8 729 € dans le meilleur des cas et 9 816 € dans le cas le plus extrême, soit aussi une perte globale de plus de 5 ou 6 000 € sur l’année.
En résumé :
Pour les contribuables non-résidents, mariés ou pacsés,
Pour un résident belge, quel que soit le nombre de jours prestés hors Luxembourg, dès que ce nombre dépasse la limite des 34 jours, cela s’avère dans presque tous les cas pénalisant, voire très pénalisant.
À l’inverse, pour les résidents français, même en dépassant ce seuil de 34 jours, cela peut être intéressant, tant que le nombre de jours maximum permet au contribuable de rester assimilé, directement ou grâce à son conjoint qui serait aussi salarié au Luxembourg.
Pour ces derniers contribuables il sera alors toujours utile de faire les simulations fiscales afin de voir jusqu’à quel nombre de jours il est intéressant ou non de faire du télétravail. Ce nombre de jours étant variable d’un contribuable à l’autre en fonction du montant de ses revenus mais aussi de la situation de son conjoint.
EXEMPLE 3 : UN COUPLE MARIÉ, 2 ENFANTS, 1 SALARIÉ AU LUXEMBOURG, 1 CONTRIBUABLE SANS REVENU.
Dans le cas où il ne ferait que 50 jours de télétravail :
Pour le résident français, l’impact est très positif, vu la différence d’impôts globale.
Pour le résident belge, le coût supplémentaire est de 2 792 € pour le calcul 1 et de 1 458 € pour le calcul 2. Le dépassement de 16 jours de télétravail en vaut-il vraiment la peine ?
Ici, comme dans le cas vu ci-dessus, si ce contribuable effectue 70 jours de télétravail, il sera perdant.
Pour le résident belge cela continue dans le même sens : s’il dépasse 34 jours, c’est pénalisant comme avec ses 50 jours vu ci-dessus, et ce même s’il reste assimilé au Luxembourg.
Pour un résident français, avec ces 70 jours, il perd son statut d’assimilé ; il est donc imposé en classe 1 suivant le droit commun, et non plus collectivement.
Son impôt au Luxembourg augmentera alors de 6 227 €. En France il aura aussi près de 600 € à payer, donc une perte
globale de plus de 6 800 €.
EXEMPLE 4 ET 5 : UN CONTRIBUABLE CÉLIBATAIRE (NON PACSÉ), 1 ENFANT À CHARGE.
Avec 50 jours de télétravail :
Pour le résident français, le gain d’impôt est de 1 838 € pour un revenu de 85 000 € et de 403 € pour un revenu de 40 000 €.
Pour le résident belge, le coût supplémentaire d’impôt sera à chaque fois supérieur à 1 300 € pour le calcul 1.
Tandis qu’à l’inverse dans le calcul 2, il est inférieur à la diminution d’impôts au Luxembourg. Ce qui rend ici le télétravail très attractif.
Il faut remarquer ici que c’est vraiment une exception car dans presque tous les autres cas cela est pénalisant de dépasser les 34 jours pour un résident belge.
Prenons cette fois les mêmes données mais avec 70 jours de télétravail pour l’exemple 4 avec 85 0000 € de revenus:
Pour notre résident belge, qui restera toujours assimilé, son impôt au Luxembourg diminue de 5 538 € tandis que l’impôt à payer en Belgique est de 8 166 € dans le cas 1, soit une perte nette de 2 628 €…
Dans le cas du résident français, il perd aussi sa possibilité d’être assimilé, mais sa diminution d’impôts au Luxembourg est quand même de 3 581 €.
En France il doit en revanche s’acquitter d’un impôt de plus de 3 920 €. Il subit alors une légère perte globale de 342 €, sur
ces 70 jours de télétravail.
Cela reste très acceptable si l’on tient compte de ce que le télétravail peut apporter comme avantages, en termes de facilité, de confort et de diminution des charges liées aux déplacement.
Dans ce cas, il peut alors se permettre d’aller aux limites permises par les lois sociales (moins de 50 %) et par les règles internes existantes au sein de son entreprise.
Exemple avec 109 jours de télétravail, soit juste sous la barre des 50 %, l’impôt à payer en France (soit 6 109 €) est plus faible que la diminution d’impôts au Luxembourg (soit 7 077 €) ce qui rend le télétravail, s’il est poussé jusqu’à sa limite sociale, assez attractif dans le cas particulier du célibataire.
CONCLUSION :
Pour le frontalier français, en cas de prestations hors Luxembourg, (télétravail compris), qui dépasse le seuil des 34 jours autorisés, il peut y avoir un avantage fiscal certain.
Mais à l’inverse lorsque ce nombre de jours prestés hors Luxembourg atteint un certain niveau (voir nos exemples ci-dessus) qui ne permet plus au contribuable d’être assimilé, on voit qu’il peut y avoir une perte financière. Ceci est particulièrement net pour les contribuables mariés ou pacsés.
Pour les contribuables célibataires, en classe d’impôts 1 ou 1 A, la possibilité de faire du télétravail dans les limites de moins de 50 % du temps de travail (afin de garder son affiliation sociale au Luxembourg) s’avère dans la majorité des cas assez avantageuse.
Pour le frontalier belge, dans quelques cas particuliers, et peu fréquents, l’avantage est avéré pour le contribuable car l’augmentation d’impôt peut être réduite, mais dans la grosse majorité des cas, l’augmentation d’impôt est assez conséquente. Peut-être est-il préférable, dans ces cas d’augmentation substantielle de l’impôt, de se limiter à 34 jours de télétravail par an afin de ne pas être imposé davantage dans son pays de résidence.
Attention : Ce ne sont que quelques exemples pris au hasard ; il ne faut ni généraliser ni en tirer des conclusions trop hâtives et erronées. Un cas n’est pas l’autre !
En fonction des revenus du conjoint, des déductions d’intérêts d’emprunt, d’assurances, de frais de garde d’enfant ou de domesticité, de revenus locatifs éventuels, tout peut changer.
Comme un cas n’est pas l’autre, nous conseillons vivement de toujours faire une analyse fiscale détaillée afin de connaître quel sera son impact fiscal personnel en fonction de sa situation, de ses déductions et de ses revenus, avant de se lancer dans cette pratique du télétravail au-delà du seuil des 34 jours.